BRUXELLES. Tour virtuel d'une Europe
opaque
Le Temps (Switzerland) Mercredi 12
avril 2006
Eléonore Sulser, Bruxelles
Tout savoir ou presque sur le quartier européen et les lieux de
pouvoirs de l'Union sans bouger de sa chaise… c'est possible en
empruntant le tour virtuel de la Bruxelles européenne mis au
point par une ONG baptisée Lobbying corporate Europe observatory
(CEO). Sur www.eulobbytours.org, des panoramas des hauts
lieux européens et une carte interactive permettent de traquer
sur la Toile les liens du pouvoir européen et du business.
Délibérément
critique
La visite est commentée – hélas seulement en anglais -
mais c'est loin d'être une simple visite touristique. A l'heure
où le commissaire européen Siim Kallas veut imposer des
règles à la corporation disparate des lobbyistes
bruxellois qui compterait quelques 15000 personnes, CEO lui donne un
coup de main en montrant comment dans la géographie même
des Institutions européennes, les lobbies ont tissé leur
toile. Le propos est donc politique et
délibérément critique.
Après avoir passé devant le Berlaymont, siège de
la Commission, fait un tour au Juste Lipse, siège du Conseil
européen, il s'attarde longuement dans une avenue sans charme
parcourue par les flots de voitures. C'est l'avenue de Cortenberg,
siège la Direction générale du
Marchéintérieur, le lieu où la Commission
européenne élabora la Directive Bolkestein. De part et
d'autre de cet endroit stratégique, les associations et groupes
de pression pullulent. La puissante UNICE – organisation
faîtière des patrons européens, dirigée par
le Français Ernest Antoine Seillière, y siège avec
ses cinquante employés. Unilever ou le CEFIC – association
européenne de l'industrie chimique très active contre le
projet REACH qui vise à faire tester toutes les substances
dangereuses commercialisées en Europe – sont aussi tout
près. Tout comme British Petroleum ou Philip Morris qui viennent
de s'offrir des bureaux parmi les plus chers de Bruxelles au rond-point
Schuman.
Ruche de bureaux d'influence
Cap ensuite vers le Parlement européen, quelques rues plus bas:
là, 5000 lobbyistes sont accrédités dans une
proportion d'un représentant d'ONG pour sept
représentants de l'industrie et du monde économique,
affirme CEO. Enfin, les petites rues alentours regorgent de bureaux
d'influence plus ou moins importants…
C'est tout ce monde-là que Siim Kallas souhaiterait encadrer
plus sévèrement. Au grand dam des associations de
lobbyistes qui veulent continuer d'avoir les coudées franches.
Elles promettent déjà des codes de conduite et tentent de
plaider l'autodiscipline. Certaines ONG, dont CEO et Alter-Europe, ne
croient pas à leur proclamation de vertu spontanée et
veulent pousser la Commission européenne a créer des
règles strictes à l'image de celle qui existent à
Washington autour de l'administration américaine. A Bruxelles,
le bras de fer entre partisans de la transparence et adeptes de
l'opacité ne fait que commencer.
http://www.letemps.ch/template/transmettre.asp?contenupage=nlreader&page=newsletterdisplay&id=4&NLArtID=6369