Erik Wesselius, chercheur et
activiste, dénonce le poids des lobbies et
relativise la transparence que veut
mettre en place la Commission:
Libération
Par Christian LOSSON
jeudi 04 mai 2006
Erik Wesselius est chercheur-activiste au Corporate Europe observatory
(CEO), un
centre de recherche créé en 1997 et basé à
Amterdam (1).
Vous dénoncez avec 140 ONG du réseau Alter-EU «le
manque de crédibilité» de la
Commission dans son initiative sur la transparence. Pourquoi ?
Parce que le livre vert, taillé en pièces par les
multiples lobbies industriels
et commerciaux, ne repose que sur le volontariat. Or, comment rendre
plus
transparent le rôle de ces lobbies si on ne les contraint pas
à enregistrer
leurs représentants auprès de la Commission ? Si l'on ne
leur demande pas des
informations sur le financement de leurs activités ? Si l'on se
borne à leur
demander de se plier à un code de conduite
développé par eux-mêmes ? Si on
élude le «pantouflage» galopant qui voit une
multitude de hauts fonctionnaires
et de journalistes se recycler dans... le lobbying ? Si l'on ne
disqualifie pas
toute firme corruptrice en créant une liste noire, à
l'instar de la Banque
mondiale ?
Cela peut contribuer à mettre au moins en lumière des
activités opaques ?
Oui, car contrairement aux Etats-Unis, où l'on peut avoir moult
détails sur les
lobbies (rôle, financement, etc.), l'Europe reste très en
retrait. Or, en vingt
ans, on est passé de 1 000 à des dizaines de milliers de
lobbyistes qui, via des
cercles de réflexion plus ou moins ouverts, infléchissent
les orientations de
l'UE. Chaque année, selon nos recherches, c'est jusqu'à
un milliard de dollars
et non entre 60 et 80 millions, comme ils l'assurent qui
sont injectés par
les lobbies. Qui connaît le rôle clé de la Table
ronde des industriels
européens ou encore le Dialogue sur le commerce transatlantique
? Qui sait
comment les lobbies de la chimie ont rivalisé de pressions pour
tenter de
torpiller la directive Reach sur les produits chimiques ? Si l'on veut
combler,
comme le souhaitait Manuel Barroso [le président de la
Commission européenne,
ndlr], le déficit démocratique, la crise de confiance des
opinions publiques
envers Bruxelles, il aurait fallu être beaucoup plus ambitieux
sur les lobbies,
l'un des plus graves problèmes du système européen.
Votre lobby anti-lobby commence-t-il néanmoins à porter
ses fruits ?
Pas encore, si l'on en juge aux options politiques qui
privilégient la
compétitivité au détriment du social et de
l'environnemental. On ne lutte pas à
armes égales. Nous sommes certes consultés par la
Commission, mais c'est souvent
purement formel. Les lobbies, c'est une autre histoire.
(1) Auteur de Europe inc., liaisons dangereuses entre institutions et
milieux
d'affaires européens, aux éditions Agone.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=379440